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Agriculture et Alimentation au Burkina Faso

Après avoir observé l’agriculture au Burkina Faso pendant 15 ans, l’ association Solibam livre son analyse sur la situation alimentaire du Pays. Les paysans sont capables d’accroître la production agricole, à condition qu’on leur donne les moyens de développer leur savoir faire en agroécologie et agroforestrie. Télécharger la synthèse

Le Burkina Faso: 22 millions habitants dont 82 % vivent de l’agriculture.

Dans le budget de l’Etat 2022, la part pour l’agriculture est seulement de 5%. Les cultures vivrières sont les moins aidées 

Entre 2019 et 2021, 26 Etat africains ont dépensé moins de 5% de leur budget dans le secteur agricole selon Oxfam.  Alors qu’il faudrait atteindre au moins 10% de leur budget total en donnant la priorité aux petits producteurs et productrices pour développer leur savoir-faire. Les paysans ont toujours été les grands oubliés du développement.

Au Burkina Faso, la vie agricole est marquée par un climat tropical qui comporte 2 saisons très contrastées:

une saison de pluies qui dure 4 à 5 mois (de mai-juin à septembre -octobre), avec des hauteurs de pluie de 600 mm au Nord et 900 mm au Sud.

une saison sèche de plus en plus longue au fur et à mesure que l’on va vers le Nord.

Les mois les plus chauds sont mars et avril, avec des températures maxima qui dépassent souvent les 40° C, tandis que que les mois les plus frais sont décembre et janvier.

85% des surfaces cultivées sont consacrées aux céréales.

C’est surtout le sorgho (appelé gros mil) et le mil. Ces plantes sont à cycle court (4 mois), adapté à la saison pluvieuse. Cette courte durée de végétation limite leur potentiel de rendement.

Génétiquement parlant, le mil reste très peu connu. Cette céréale n’intéresse en effet qu’une poignée d’équipes de recherche dans le monde

La production de maïs et riz augmente dans le Sud, là où les pluies sont suffisantes. Le Burkina est également un grand producteur de coton. La culture du sésame est en progression. Les cultures maraîchères sont développées autour des lacs et barrages.

Forte domination de l’élevage traditionnel:

Les espèces par ordre d’importance: bovins, ovins, caprins, porcins, volailles.

– Elevage extensif (surpâturage, animaux en divagation se nourrissant de jeunes pousses, ne laissant aucune chance de croissance des arbres)

(La ferme pilote de Guié pratique l’élevage rationnel des bovins et développe le bocage sahélien)

– Exportation du bétail sur pied, faible rendement et rentabilité.

– La production de lait est loin de couvrir la demande nationale.

Le pays a des potentialités agricoles qui sont insuffisamment exploitées :

– Absence d’une véritable politique agricole.

– Par manque de moyens, seulement 1/3 des terres cultivables sont mises en valeur.

– Formation professionnelle très insuffisante.

– Faible organisation des marchés.

– Difficulté d’accès au crédit.

– L’activité agricole n’est pas valorisée (Les paysans n’ont pas de statut).

– Des jeunes se détournent de  l’agriculture pour l’orpaillage. Des terres agricoles  sont converties en sites industriels d’extraction de l’or qui ne profite pas à la population.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est 203-Site-aurifère-de-Sabsé-700x467.jpg.

Près de Kongoussi, l’immense site industriel d’extraction de l’or à ciel ouvert dans la commune rurale de  Sabsé.   17 000 hectares (société russe ) Le gouvernement de Blaise Compaoré avait fait voter une loi qui facilitait les expropriations des paysans !

 Statut professionnel

A la question: Que fait ton père ? un jeune burkinabè a répondu: Rien il est paysan !

Et pourtant, c’est son père qui  l’a nourrit, habillé, soigné…et qui lui paie ses études!

Pourtant, près des grandes villes, quelques jeunes diplômés retournent aux champs pour la vente directe de légumes bio et de volailles.

La Confédération Paysanne du Faso, demande au nom de tous les producteurs: « Que l’agriculteur soit doté d’un statut professionnel et que le métier soit reconnu et valorisé »

Edgar Pisani écrivait dans son livre: Pour l’Afrique  (1988) : « Qu’est-ce qui a le plus nui à l’Afrique au cours de son histoire ?… c’est le mépris dans lequel elle a tenu ses paysans…c’est l’impasse faite sur le paysan qui engendre tous les déséquilibres alimentaires, économiques, financiers, écologiques, sociaux, politiques » et sécuritaires…

Prix agricoles et pauvreté

Accord  de libre échange entre l’Europe et les Pays de l’Afrique de l’Ouest (APE)

L’Union européenne cherche à finaliser cet accord.

Selon le ROPPA ( réseau de producteurs africains et d’organisations paysannes),« Cet accord  détruira l’économie rurale et l’emploi paysan, provoquant une migration  des campagnes vers les villes… et vers l’Europe » et les jeunes continueront  à pratiquer l’orpaillage…

Selon Maurice Oudet, Président du Sedelan à Koudougou, les règles de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) ne permettent pas à la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) de protéger son agriculture, ce qui engendre la pauvreté des paysans africains.

Pour y remédier, Jacques Berthelot, spécialiste du commerce mondial et de l’agriculture, propose d’introduire des prix d’entrée fixes et des prélèvements variables sur les produits agricoles et alimentaires importés (riz, lait, céréales, fruits et légumes etc.)

« Ces prélèvements variables sont seuls capables d’assurer aux agriculteurs des prix rémunérateurs et stables sans léser les populations urbaines. C’est un système de protection efficace que l’Europe a utilisé quand elle a mis en place la PAC, et cela jusqu’en 1994 ».

« Les paysans du Burkina sont capables de nourrir la population du pays » pour peu qu’ils soient aidés«  

En savoir plus :

– lettres d’information du Sedelan  www.abcburkina.net

– L’accord de « partenariat »  économique Union européenne- Afrique de l’Ouest, de Jacques Berthelot Editions l’Harmattan juin 2018. 160p

Le mil et le sorgho sont la base de l’alimentation quotidienne des burkinabè.

Ces céréales  servent à préparer le tô, plat national incontournable. Le tô est servi avec une sauce, le plus souvent au gombo. Le niébé (haricot sec) est une source de protéines le plus souvent servi avec du riz dans les cantines.

     Mil, sorgho et niébé sont cultivés pendant la saison des pluies orageuses.  L’enjeu consiste à retenir l ‘eau de pluie dans les parcelles (cordons pierreux, technique du zaï, haies vives)

 Les techniques agroécologiques intensifiées sont les mieux adaptées pour développer l’agriculture du Burkina.

« l’agroécologie est la science de la gestion des ressources naturelles »

Ces techniques sécurisent la production dans le temps car les plantes peuvent s’adapter aux mauvaises années.

Des rendements de mil et  sorgho multipliés par 2 à 3, c’est possible  sans irrigation et sans achats d’intrants (semences, engrais,traitements)

« Pierre Rabhi, Thomas Sankara… et bien d’autres ont été les pionniers pour la promotion de l’agroécologie ». 

Les domaines de l’agroécologie et de l’agroforesterie :

La fertilisation organique fondée sur le compostage, une pratique qui a l’avantage d’être accessible aux paysans. Les engrais chimiques commercialisés au Burkina ne sont pas tous adaptés à leurs terres. De nombreux paysans  n’ont pas les moyens d’en acheter.

-L’élevage rationnel des bovins pour l’embouche et la production de fumier transformé en compost.

-Des traitements phytosanitaires aussi naturels que possible.(exemple, le neem)

-Des espèces et variétés adaptées aux divers territoires et reproductibles par les cultivateurs (ce qui n’est pas le cas des OGM)

Des travaux anti-érosifs de surface (cordons pierreux, micro-barrages, bullis,  digues filtrantes etc.) pour tirer parti au maximum des eaux de pluies et combattre l’érosion des sols, les inondations et recharger les nappes phréatiques qui entretiennent les puits et les sources.Il s’agit de gérer la pluie.

– Les semis sans labour avec la technique du zaï amélioré avec compost et les demi-lunes améliorées qui retiennent l’eau là où elle tombe et permettent de localiser le compost. 

–  En saison sèche, le zaï partiellement mécanisé avec un tracteur équipé d’un outil à dents ou l’utilisation de la Kassine tractée par 1 boeuf ou 1 ou 2 ânes.

– Les plantations d’arbres fertilisant et  les haies vives pour favoriser l’infiltration de l’eau, protéger les cultures des vents, fertiliser les sols et créer un environnement favorable au bien-être des animaux, au maintien d’une faune et d’une flore auxiliaire utile.

le reboisement des surfaces disponibles et dénudées avec diversité d’espèces pour les combustibles, la pharmacopée, l’art et l’artisanat, la nourriture humaine et animale, la régénération des sols etc.   

       Thomas Sankara disait« Une pépinière et un bosquet dans chaque village » 

Le biogaz, combustible pour cuisiner et s’éclairer. Il est produit dans un biodigesteur individuel, alimenté essentiellement par les déjections animales des bovins et porcins. Le procédé a comme autre avantage de fournir de l’engrais organique. Le biodigesteur  domestique  est vulgarisé par le programme national de bio-digesteurs du Burkina Faso (PNB-BF)

Télécharger 20 fiches techniques :

http://www.gtdesertification.org/Publications/Savoirs-de-paysans-et-lutte-contre-la-desertification

Toutes ces techniques exigent des financements, des formations et une diffusion des connaissances. Elles contribuent à protéger l’environnement et à augmenter les rendements des cultures et donc à améliorer l’autosuffisance alimentaire des burkinabé.

Pas d’augmentation des rendements sans humus.

Autrement dit « pas d’agroécologie améliorée sans compost ».

Au Burkina, les rendements du mil ne progressent que chez une minorité de cultivateurs. Tous les cultivateurs disent que c’est par manque de compost qui se traduit par un taux de matière  organique très faible ( 1%, d’après les analyse de terre réalisées par Solibam dans la région de Kongoussi)

Les disponibilités en compost sont loin de couvrir les besoins des cultures. Il faudrait au moins épandre 4 à 5 tonnes de compost par hectare (10 000 m2) soit 30 à 35 charrettes.

Des solutions pour enrichir le sol en  humus:

– Mieux collecter dans au moins 2 fosses les matières compostables: pailles de céréales, résidus de battage du mil, herbes de brousse, plumes, déchets ménagers, cendres, sciure de bois, bouses, crottins, feuilles et brindilles (surtout ne pas les brûler!)

– Développer l’élevage rationnel des bovins ( 2 à 4 têtes par exploitation) pour le fumier et la traction.

– Planter des arbres espacés, par exemple le faidherbia albida (zaanga en mooré) qui perd ses feuilles en saison des pluies, il enrichit le sol.

– Planter des haies vives après avoir installé des clôtures d’épineux ou en grillage pour protéger les arbustes de la divagation des animaux. La taille des arbres en bois fragmenté (BRF) pourrait fournir de grandes quantités de compost. C’est ce que réalise avec succès  la ferme pilote de Guié,  avec   le concept du bocage sahélien.

Investir dans l’agriculture vivrière pour lutter contre la sous- alimentation.

La majorité des paysans n’atteint pas l’autosuffisance alimentaire. Avant les récoltes, les greniers sont vides pendant plusieurs mois. Les paysans font la soudure en achetant des céréales subventionnés par l’Etat. Parfois, des membres de la famille, salariés à l’extérieur, viennent en aide à leurs frères paysans en achetant des sacs de mil. Un comble pour des paysans!

Quand elles existent dans les villages, les cantines scolaires sont approvisionnées  par le PAM (Programme Alimentaire Mondial) pendant quelques mois!

L’Etat burkinabè consacre  à l’agriculture moins de 10% de son budget, contre environ 14% entre 2008-2012. Mais plus de la moitié des dépenses du budget du Ministère de l’Agriculture passe dans son fonctionnement. La part réservée aux cultures vivrières et à l’élevage reste très faible.

Les paysans n’ont pas la capacité financière d’investir dans leurs moyens de production. La majorité ne dégage pas de revenu, les crédits leur sont refusés (pas de garanties)

Sans aide, ils ne peuvent pas se développer. Quelques ONG et  associations  apportent des aides financières à l’agriculture.

 

Formations agricoles et métiers  en milieu rural

Solibam soutient la création d’un Centre de Formation Agricole à Kongoussi 

Fiche :Parrainer des jeunes en formation agricole

Les Centres de Promotion Rurale  ( CPR )  Ils dépendent du Ministère de l’agriculture.

→ le Centre public national de formation agricole de MATOURKOU près de Bobo-Dioulasso

→ La ferme pilote de Guié propose des formations aux jeunes garçons et jeunes filles burkinabè, âges de 14 à 18 ans. Formation pratique et théorique de 3 ans dont 8 mois de stage.

A la sortie de la formation à Guié, les jeunes peuvent trouver un emploi en milieu rural:

–  Animateurs dans les villages

–  Pépiniériste à son propre compte

–  Agriculteurs et éleveurs formés et compétents

–  Aménageurs ruraux ( retenues d’eau, plantations, haies bocagères…)

–  Ouvriers spécialisés dans les fermes privées ou associatives

LUTTE CONTRE LE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE ET DEVELOPPEMENT

Témoignage de SOLIBAM p 30 et 31 dans la revue annuelle 2023 de la Région Pays de loire, coopération internationnale.  https://www.paysdelaloire-cooperation-internationale.org/wp-content/uploads/sites/13/2023/02/REVUE_04_Transitions_VF.pdf

Reportage au Burkina Faso

Les boeufs, la banque des bergers peuls du Burkina Faso (source: Terre-net Média)

Cramponné à l’arrière de la moto d’Issa Sidibé, me voilà parti en « brousse », à la rencontre des bergers peuls. Un petit bidon d’huile vide coincé entre les jambes servira à transporter la collecte de lait du jour. Après avoir failli cartonner une chèvre, contrôler quelques dérapages dans le sable, et éviter de se manger des branches d’épineux… Issa coupe enfin le moteur. Nous sommes arrivés au campement. Un vieux berger attache un veau qui vient de téter une vache maigre à faire pâlir une Prim’holstein anorexique. Le veau a eu sa part de lait. Le trayeur peut mettre sa calebasse sous le pis et tirer le demi-litre qu’il lui a laissé.

Issa Sidibé est l’un des rares éleveurs à ramener quelques gouttes de lait au village de Barani. Cette commune de 50 000 habitants est située au nord du Burkina Faso , à une trentaine de kilomètres de la frontière malienne, au niveau de la limite septentrionale du Sahara. Les conditions climatiques y sont particulièrement sèches ; aussi sèches que les silhouettes des Peuls et de leurs « bœufs » (un mot générique employé pour les mâles comme pour les femelles).

PLUS PRÉCIEUX QU’UNE VOITURE

Cette éthnie d’éleveurs semi-nomades s’étend sur tout l’ouest africain, du Nigéria au Sénégal. Le bétail est leur seule richesse. Il n’y a pas si longtemps encore, les pasteurs peuls ne se nourrissaient que de lait, agrémenté de feuilles de baobab et de cueillette d’autres plantes de brousse. Le plus surprenant chez ce peuple d’éleveurs : ils ne mangent que très rarement de la viande de bœuf (mariages, fêtes…) et préfèrent sacrifier une chèvre ou un mouton plutôt que leurs chères bêtes à longues cornes. Ils gardent donc quasiment autant de vaches que de taureaux et les cheptels  grossissent d’année en année.

Fierté de leurs éleveurs, les bovins servent de « compte épargne ». D’ailleurs, les Peuls ont sans doute plus confiance en leurs vaches qu’en leur banquier. Ainsi, la richesse d’une famille s’estime par son rang social et le nombre de bœufs qu’elle possède. « Un jeune taurillon qui n’a pas encore de corne coûte 100 000 francs CFA , soit 150 euros environ. Si j’en vends six ou sept, je pourrais m’acheter une voiture, m’assure Issa Sidibé. Mais les taureaux ont bien plus de valeur et je ne m’en sépare qu’en dernier recours, s’il y a une maladie ou un mariage dans la famille, ou si l’année est très sèche pour acheter du tourteau de coton et sauver le reste du troupeau de la famine. »

Les Peuls n’ont pas attendu les Occidentaux et leurs fermes de 1 000 vaches pour inventer la notion de « grands troupeaux » ! Depuis la nuit des temps, ils transhument avec plusieurs milliers d’animaux. Pas question toutefois de dévoiler le nombre exact de bêtes au premier touriste venu. Cela reviendrait à dire combien ils ont sur leur compte en banque ! Le chef du village de Barani, par exemple, détiendrait peut être un millier de têtes, réparties dans différents troupeaux et différents pays. S’il est riche, un chef doit aussi protéger les villageois et son cheptel fait office « d’assurance mutualiste ». « Les familles dans le besoin peuvent lui demander de l’aide. Il peut alors leur céder un bœuf qu’elles peuvent vendre. Elles rembourseront quand ça ira mieux. Dans les périodes fastes, le chef reçoit de nombreux cadeaux, des bœufs notamment », explique Ouidi Sidibé, un habitant de Barani.

TROP DE BÊTES

« La commune de Barani compte près de 22 000 bœufs, précise Nana du service vétérinaire. Mais il n’en faudrait que 18 000 pour pouvoir les nourrir correctement, vu la faiblesse des ressources fourragères de la zone pastorale.» Celle-ci couvre près de 50 000 hectares, de la frontière malienne au nord jusqu’au rivage du fleuve Sourou à l’ouest. À longueur d’année, les troupeaux et leurs bergers transhument du nord au sud, au fur et à mesure que la chaleur grille les herbes et les buissons. Les bœufs castrés, les plus vigoureux après la saison sèche, sont utilisés pour labourer les terres. Toutefois, il faut les garder quelques temps à « l’embouche » afin de reprendre des forces pour tirer la charrue !

Ici pas de barrières, aucun champ n’est clôturé et les troupeaux, généralement de 60 à 80 bêtes, sont gardés jour et nuit, par les bergers aidés par leurs enfants. Ils doivent trouver des surfaces à paître et les emmener boire à heure fixe dans les rares points d’eau. Les troupeaux se croisent et ne se mélangent pas. Tous les animaux sont balafrés au flanc de larges cicatrices en signe d’appartenance à leur propriétaire.

UNE PRISON À VACHES

Nous sommes en octobre. La saison des pluies est derrière nous et déjà, la poussière monte. La brousse s’apprête à supporter la saison sèche. C’est une période très délicate car les champs de mil, de sorgho ou de sésame ne sont pas encore récoltés et il arrive que les bêtes échappent à la vigilance des bergers et viennent se remplir la panse au milieu des cultures, ce qui provoque de sérieux contentieux. « En général, on essaie de régler les problèmes entre nous. Tant qu’il n’y a pas eu de sang versé, c’est le « chef » des terres qui résout les conflits. Sinon, on doit appeler le maire ou le préfet », témoigne Issa Sidibé, membre de l’association des éleveurs, en présentant la « prison à vaches », un solide parc en bois entouré d’épines. « C’est là qu’on met les vaches qui errent sans surveillance et qui risquent de s’approcher trop près des cultures. Si un éleveur retrouve ses bêtes dans cette « fourrière », il doit payer une amende à la mairie pour les récupérer ! Soit 1 000 francs par jour et par bœuf, sachant qu’on peut négocier un peu…»

À l’Est du Burkina Faso, les cultivateurs comme les éleveurs n’ont pas de titre de propriété pour leurs terres. Les zones pastorales sont des biens communs et le « chef » des terres attribue un lopin à chaque paysan pour nourrir sa famille. Ici les parcelles sont à ceux qui les labourent. Cependant, d’années en années, les terrains fertiles se raréfient (un phénomène amplifié par l’intérêt pour les cultures de vente comme le sésame ou le coton) et la tension monte entre éleveurs et cultivateurs.

DES FEUILLES CONTRE « LA MALADIE »

Les peuls élèvent deux races, de type zébu à bosse : les « Méré » comme vaches laitières et les « Seno » plutôt pour la viande ou la traction animale. Les bovins burkinabés ont beau être sélectionnés depuis le nuit des temps pour leur hyper-rusticité, certains ne sont pas au mieux de leur forme et souffrent de la galle et d’autres parasites. Il faut aussi lutter contre les insectes qui transmettent des maladies comme la fièvre aphteuse, et il arrive, certaines années, que des nuées de criquets ravagent toutes les cultures. « Lorsqu’il y a beaucoup de boiteries dans le troupeau, nous avons un remède, les feuilles de l’arbre « édi », raconte Issa en me montrant une branche. On en met dans les parcs de nuit pour soigner les sabots. » Souvent une vache atteinte par « la maladie » reste couchée pendant 10 jours mais survit. Les plus veilles bêtes ont 18 ou 20 ans et meurent dans le troupeau. Depuis peu, les vétérinaires incitent les éleveurs à vacciner.

Les bergers vivent dans des conditions extrêmement rudes avec pour seuls biens, une calebasse, une couverture et un morceau de bâche en plastique pour dormir. Néanmoins, les mobylettes et surtout les téléphones mobiles sont en train de changer la vie des bergers, et plus généralement de tous les Africains. Les portables permettent de connaître l’état des points d’eau et de signaler des vaches perdues. Aujourd’hui, dans un village où les maisons en terre crue (banco) n’ont ni l’eau, ni l’électricité, tout le monde s’échange de l’argent par SMS et chate sur Facebook ! La moitié de la population de Barani est âgée de moins de 15 ans et près des deux tiers des enfants ne vont pas à l’école, en particulier s’ils habitent loin du centre du village. En tous cas, l’arrivée des smartphones semble donner aux jeunes de ce continent en pleine mutation l’envie d’apprendre à lire et à écrire.

Mai 2016. Terre-net Media